Washington — Dans la salle feutrée de l’Organisation des États Américains (OEA), le Premier ministre haïtien, Alix Didier Fils-Aimé, a livré un discours qui se voulait à la fois un constat lucide et un appel pressant à la solidarité. Face aux représentants des Nations Unies, de la CARICOM et des pays amis d’Haïti, il a présenté les priorités de son gouvernement : rétablir la sécurité, organiser des élections inclusives et relancer une économie en panne.
Sécurité : le maître mot de la transition
Sans détour, le Premier ministre a identifié la menace principale qui paralyse Haïti.
« La sécurité, le chantier prioritaire de cette transition, demeure l’urgence absolue du peuple haïtien. Aucun progrès durable ne peut être envisagé tant que les gangs armés continuent de semer la terreur », a-t-il martelé.
Son plan repose sur une reprise en main du territoire, le renforcement des forces de l’ordre et une coopération accrue pour tarir le flux d’armes. Fils-Aimé n’a pas hésité à plaider pour une levée ciblée de l’embargo sur les armes, afin de permettre à la PNH et aux FAD’H de se rééquiper légalement.
Élections : un calendrier déjà amorcé
Le chef du gouvernement a tenu à rassurer sur l’organisation des scrutins. Selon lui, le Conseil Électoral Provisoire a déjà franchi des étapes significatives : 85 % des centres de vote disponibles, 70 % du personnel recruté et 65 millions de dollars mobilisés.
« Nous agissons avec la même détermination pour garantir l’organisation d’élections libres, crédibles et inclusives dans les meilleurs délais », a-t-il déclaré.
Il a insisté sur le rôle que peuvent jouer les partenaires internationaux pour moderniser l’identification nationale et assurer la participation des groupes marginalisés.
Économie : une reconstruction par la base
L’économie haïtienne traverse sa septième année consécutive de récession. Les prix flambent, les chaînes logistiques sont rompues, et le secteur privé vacille. Mais le Premier ministre refuse le fatalisme.
« L’objectif est de soutenir les entreprises à potentiel et parvenir à la reconstruction de l’économie par le bas », a-t-il expliqué, en mettant en avant les PME et deux grands pôles de développement : le Nord et le Sud, axés sur l’agro-industrie, le textile et les énergies renouvelables.
Humanitaire : au-delà de l’urgence
Le discours a aussi rappelé la dimension humaine de la crise. Malnutrition infantile, hôpitaux dysfonctionnels, écoles détruites, déplacés sans abri : le tableau est sombre. Fils-Aimé a toutefois insisté sur l’importance d’intégrer la réponse humanitaire à une stratégie durable, combinant sécurité, développement et soutien social.
Un appel à l’OEA
En conclusion, il a replacé la responsabilité collective au cœur du débat :
« Ce qui est en jeu aujourd’hui, ce sont 12 millions de vies à protéger… une démocratie à rétablir, une jeunesse à mobiliser et des femmes à accompagner. »
Le message est clair : Haïti veut être l’architecte de sa propre feuille de route, mais elle a besoin que ses partenaires renforcent leur appui pour que ce plan devienne réalité.